Next
Last
15 Mars 1986
France
Angleterre
Parc des Princes

Eric Bonneval




Denis Charvet,heureux


Sella quatre à quatre

Le printemps est en avance sur son temps,ce 15 mars.La pelouse est brûlée par les grands froids de l'hiver,mais un soleil quasi estival vient illumner le Parc.L'Angleterre croit que son pack,ultra-puissant,va mater
ces intenables "Froggies".Elle lance son défi d'entrée quand,pour un hors-jeu français sur un dégagement,elle choisit la mêlée au point de départ,à 10 mètres de la ligne bleue,plutôt qu'une pénalité bien placée au point de chute.Le pack blanc,sûr de sa force,veut écraser son adversaire.
L'affaire tourne à la confusion des balèzes de la couronne,quand on voit la mêlée tricolore enfoncée sa rivale,la disloquer et gagner la balle à la
poussée.Dès lors,derrièrre un tel rouleau compresseur,les arrières bleus
vont imposer leur supériorité physique et technique,lançant des attaques
d'une profondeur et d'une fulgurance exceptionnelles.
Face à cette réussite des Bleus,l'Angleterre subit la faillite de Rob
Andrew manquant quatres buts de pénalité en première mi-temps.Il en
va ainsi dans le rugby de cette fin de siècle,un seul buteur lui manque,et toute l'équipe est dépeuplée



la Tour de Londres,Dooley

Le triomphe français se dessine très vite.Deux buts de Laporte (11è et
23è),un essai du même Laporte -photo ci-dessous- (30è),mis sur orbite pour une chevauchée de 50 mètres le long de la touche,par une relance de Charvet dans ses 22 mètres,poursuivie par Bonneval,Laporte déjà,
Charvet encore,perçant sur 30 mètres,avant de lancer Laporte dans le raid le plus exaltant de sa carrière,et voilà la France menant 10-0 à la mi-
temps.L'addition monte à 17-0,après une mêlée enfoncée sur la ligne anglaise (45è),où Berbizier donne à Blanco lançé,pour le second essai,suivi par un troisième but de Laporte (52è).Un but de Barnes (54è) est une bien maigre consolation,d'autant,que dans la minute qui suit,Ba-
rnes s'attire les foudres de M.Bevan par un essai de pénalisation qui permet aux Bleus de mener 23-3
Linviolabilité de la défense tricolore,depuis deux Tournois,est interrom-
pue par une faute saugrenue,à un quart-d'heure de la fin.Lancer de Ber-
bizier en touche,près de sa ligne de but,la balle est cafouillée,et l'énorme Dooley plonge dessus dans l'en-but.Un essai à zéro passe!Un but de Ba-
rnes (71è) réduit l'écart à 22-10,mais l'Angleterre est humiliée par un impérial essai français à l'ultime minute.Sur une mêlée à 15 mètres de leurs poteaux,les Bleus ont le culot d'attaquer en première main.Alerté par Berbizier,Laporte,d'une longue passe,lobe Sella pour donner à Cha-
rvet.De sa ligne de but,le Toulousain fonce,perce,redresse sa course,pas-
se à Bonneval qui réussit une trouée monumentale,jusqu'aux 22 mètres
anglais,retrouve Charvet sur l'aile,qui donne à l'intérieur à Sella,pour une
course irrésistible jusqu'au poteaux.Il marque ainsi son quarième essai,un
dans chaque match,ce qui est exceptionnel.La transformation de laporte
fait monter à 29-10 l'avantage final des Bleus.
La France termine en tête ce Tournoi,qu'elle a largement dominé,avec le regret d'avoir manqué,à Murrayfield,un Grand Chelem largement à sa
portée.Les Tricolores divent,d'ailleurs,partager la victoire avec le Char-
don,qui vient de s'imposer en Irlande 10-9,encore par un point d'écart.
Mais la france reste,lors de ces années,la poutre maîtresse,la force mar-
quante.

phrase de Blanco: "Ce jour là,les Anglais aurait pu encaisser 50 points"

Underwood

 

Essai de Guy Laporte

Texte et musique de Guy Laporte

Il a fait de son premier essai international une histoire de coeur à la renverse,de jambes à la ramasse,une affaire de vie et de mort,la ra-
dieuse épopée d'un corps qui n'en peut plus,d'un esprit qui en veut encore. "A quarante mètres ça allait,j'avais mis la pêche.A dix mètres,
j'étais mort.J'ai vu les formes du public,j'ai vu ses couleurs,il y avait du pastel,il y avait du bleu,c'était le paradis après la ligne." Il a vu des drapeaux par centaines,des soleils blancs par milliers. "C'est fou tout ce qu'on peut voir en dix mètres.On voit l'essai qu'on a rêvé,
qu'on attendait depuis longtemps,son premier essai,et puis d'un seul coup,on se dit qu'on va mourir sans le marquer,comme un con,à dix
mètres de la ligne."
Ce n'est pas un bavard du dernier rang,il aime à se tenir devant.Rarement de petits yeux sombres promis à la tristesse auront été rieurs.
Le rugby,il en fait une vie.Car lorsqu'il parle de l'un c'est pour donner une idée plus précise de l'autre."Avec le temps,on apprend à choi-
sir.A la fin,c'est vrai,j'ai dit aux jeunes,"ils viennent de faire un gros effprt,il faut leur en mettre une autre dans la gueule." Qelques uns n'en voulaient plus.Ce qu'ont leur a mis dans la gueule c'est justement ce dernier essai.Il est beau non?" Tel est Guy Laporte entré en équipe de France pour un Grand Chelem,revenu pour y montrer de bons chemins."Je vais sur mes trente-quatre ans,le plus doucement
possible." Il dit qu'il n'est pas Gachassin mais celui-ci,justement,en fait de son "favori". Oui,Gachassin qui ajoute: "Voilà un numéro dix complet qui connaît ses possibilités et qui joue,lui,avec sa tête." Et avec ça Guy Laporte nous propose le tranquille portrait d'un être so-
ciable,jamais en retard d'une coquetterie de langage."je sortirai plus vite du terrain que je quitterai le coeur des femmes." Un homme qui aime autant le rugby,la vie et les femmes a quelque chose qui parle pour lui.Cet homme là est à la recherche d'un match plein".Il ajoute:
"Je compte être compétitif pour la Coupe du Monde." Finalement,Guy Laporte de Beaufort et de Graulhet aura été traité tout au long de la saison comme une révélation. Il a une manière de nous en suggérer la raison. "Je vis bien,à 400 à l'heure,mais grâce au rugby je vis mieux encore.Je suis arrivé à l'âge de la sérénité.C'est pas beau ça?" Comme un long essai en plein soleil,parbleu.

l'Année du rugby 1986
Christian Montaignac

 

Daniel Dubroca, l'Homme tranquille

Né le 25 avril 1954,à Aiguillon (Lot-et Garonne).D'un gabarit léger pour un pilier (1,78m-95kg),ce fils d'agriculteur,et agriculteur lui-
même,manifeste une vitesse,une tonicité,un dynamisme et une technique individuelle qui en font un des avants les plus complets du ru-
by moderne.Son manque de "tonnage" lui vaut,d'abord,d'être un pilier souvent remplaçent en équipe de France,qui nobtient que sept sélections à ce poste,entre 1979 et 1985.Il participe pourtant à la fameuse première victoire sur les All Blacks,le 14 juillet 1979,à Auck-
land,pour ses débuts internationaux,dans une première ligne qui réunit Robert Paparemborde et Philippe Dintrans.
A la suite de la sérieuse blessure aux vertèbres,qui va longtemps éloigner Dintrans des terrains de rugby,Jacques Fouroux tente un pari,en
plaçant Dubroca au talonnage et en lui confiant le capitanat.L'agenais se révèle comme un excellant spécialiste et un leader de grande
classe.Il gagne ainsi 26 nouvelles sélections,dont 25 comme capitaine.Il mène l'équipe de France à ses "Trois Glorieuses" dans le Tournoi
le remportant en 1986 et 1988 et réussissant le Grand Chelem en 1987.Cette même année,il est à la tête des Tricolores finalistes de la
pemière Coupe du Monde,à Auckland.A la fin de sa dernière victoire internationale,en1988 sur le Pays de Galles,le speaker de l'Arm's
Park salue sa sortie de terrain,en français,par un émouvant "Au revoir Monsieur",applaudi par tout le public.Après sa 33è sélection,il de-
vient sélectionneur et entraineur du XV de France en 1989.
Daniel Dubroca n'a connu qu'un club,le SU Agen.Il y remporte trois titres de champion de France (1976,1982,1988) et joue deux finales
(1984,1986).Attaché à la terre,cet homme tranquille monte une exploitation arboricole à Sainte-Bazeille,petit village près de Marmande,
dont il devient maire adjoint.Toujours fidèle aux couleurs agenaises,il est appelé à la présidence du SUA en 2004,après une crise qui a
profondément divisé le club.Il est resté un homme simple,d'une grande droiture,aux convictions bien ancrées.Un sage dont les avis sont
recherchés.

la Légende du Tournoi
Henri Garcia

 

Revivez le résumé du match en vidéo

 

 

Next
Last